GIGN: Les spécialistes (Reportage Action Guns 1989, magazine n°81)

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C’est aux environs de 2 H 50 du matin, le jeudi 10 octobre 1985, que les plongeurs de combat et les chuteurs opérationnels du G.I.G.N., sous les ordres du Capitaine Legorjus, ont mis fin à la plus grande prise d’otages de tous les temps, celle du paquebot « Achille Lauro » et de ses quelques 500 passagers.

Tout a commencé 3 jours plus tôt, le lundi 7 octobre, quand, en fin de matinée, le Capitaine Géraldo di Rosa vit apparaître dans le poste de commandement de son bateau deux terroristes menaçants bientôt suivis d’une douzaine d’autres armés jusqu’aux dents.En quelques minutes, ce paquebot de plaisance italien est aux mains des Palestiniens. Les passagers sont enfermés dans leurs cabines, quant au personnel d’équipage, il est consigné à son poste jusqu’à nouvel avis.

A Paris, comme dans les grandes capitales européennes, les téléscripteurs des agences de presse crépitent, diffusant l’information qui paraît aberrante.Le plus grand défi des terroristes au monde libre vient d’avoir lieu. Ce qui semblait pour beaucoup inimaginable voire impossible est malheureusement arrivé.Pourtant à Paris, certains hommes se souviennent et pensent que l’entraînement qu’ils suivent depuis une dizaine d’années va enfin servir à quelque chose.

En effet, depuis 1974, Christian Prouteau, fondateur et patron du GIGN avait pensé qu’une telle prise d’otages pourrait arriver un jour et, c’est pour pouvoir y répondre, qu’il avait, avec l’aide du Capitaine Barril, son second, fait entrainer les plongeurs du Groupe à ce type d’intervention.

Je me rappelle encore qu à l’époque, beaucoup de gens « importants » ne prenaient pas au sérieux ce type de prise d’otages. Ils devaient penser que les hommes du GIGN exagéraient un peu, mais qu’après tout, si cela les amusait de se « geler » l’hiver en haute mer pour intervenir par différents moyens sur des cargos, pétroliers, et autres bateaux, cela les regardait.

Aujourd’hui, l’avenir donne une fois de plus raison à Christian Prouteau. Avec cette intuition innée qui est la sienne, il a su devancer l’événement d’une douzaine d’années.

Le résultat d’un entraînement poussé et dangereux (n’oublions pas qu’il a coûté la vie à mon ami Jacques Henri le 25 mars 1981 lors d’une plongée profonde de nuit), va peut-être porter ses fruits. Dans la soirée du lundi au GIGN tout le monde est sur le pied de guerre. Une atmosphère très particulière règne dans le bureau du Patron du Groupe. Une atmosphère que j’ai connue quelques années auparavant dans le bureau de Christian Prouteau, à la veille de l’inter­vention en Corse à Ajaccio où une cin­quantaine d’autonomistes étaient retranchés dans l’hôtel Fesh.

Tout comme à l’époque, l’ordre d’inter­venir n’était pas encore tombé mais au Groupe, les hommes s’étaient mis à y penser, à y croire, sachant tous, en leur âme et conscience, qu’ils étaient, non pas les plus forts, mais les plus entraî­nés, les plus préparés à ce type de mis­sion et que, si les négociations n’abou­tissaient pas, ils seraient les hommes de la dernière chance.

Le mardi dans la matinée les choses se gâtent, bien que les pourparlers avec les terroristes avancent, leurs revendi­cations ne semblent guère recevables.

Alors qu’ils détiennent un bâtiment italien, ils demandent aux Israéliens de libérer des terroristes coupables d’avoir innocents de Terre Sainte. La fermeté d’Israël ne leur convenant pas, les terroristes abattent froidement et lâchement Mr Léon Klinghoffer, ressortissant américain qui, hormis le fait qu’il soit âgé, était paralysé.

Le conseil de guerre européen, avec e concours d’unités anti-terroristes, prend la décision d’intervenir et c’est le GIGN qui est désigné. Philippe Legorjus ayant mis ses hommes en pré-alerte « officieuse », il ne faut à ces derniers que très peu de temps pour être prêts.
L’intervention se fera presque simultanément, le premier assaut sera donné par les plongeurs, très vite aidés par les chuteurs opérationnels.

Dans la soirée du mercredi, une vingtaine d’hommes en noir commandés par le Capitaine Carmichaël, officier en second, sont à bord d’un sous-marin français.

A 1h10, le jeudi matin, ils quittent le bâtiment par les tubes lance-torpilles. Pour ne pas être détectables à la surface, ils nagent à une profondeur maxi de 10 mètres avec des oxygers (systèmes d’air pur à circuit fermé n’engendrant pas de bulles).
Après une heure de palmage, la formation se regroupe à l’arrière du bâtiment dont l’ancre est jetée. Il faudra quelques minutes au Patron de l’expédition et à deux de ses plongeurs pour faire le tour du paquebot long de 196 mètres.

Pendant ce temps là un hélicoptère Puma, ayant décollé d’un bâtiment de surface, s’approche inéluctablement de sa cible.
A son bord le Capitaine Legorjus accompagné d’une douzaine de chuteurs opérationnels vérifie son matériel et les gaines contenant les armes sélectionnées pour cette mission.

Malgré l’intérêt qu’il porte à ce qu’il est en train de faire, le Patron du Groupe ne peut s’empêcher de penser au dernier saut qu’il a effectué de nuit. Ce soir-là, équipé d’un parachute traditionnel, à cause d’un problème de vent, il n’a pu atteindre sa cible et a dû choisir, comme terrain d’atterrissage, le parking d’une grande surface. Un léger caram­bolage s’est même produit lorsqu’il a survolé, à quelques mètres du bitume, la nationale où quelques automobilistes présents ont cru voir atterrir un OVNI. Dans le cas présent, louper le pont du bateau pouvait être une catastrophe, mais le Patron du Groupe a confiance et de plus, cette fois, lui et ses hommes sont équipés « d’ailes » qui leur facili­tent la tâche.

A bord de « l’Achille Lauro », tout est calme, la plupart des passagers est couchée et s’ils ne dorment pas, ils res­tent tout de même étendus sur leurs couchettes en se demandant de quoi sera fait le lendemain et si, grâce à Dieu, ils verront le soleil se lever.

Pour les plongeurs, l’intervention vient de commencer. Les grapins sont pro­pulsés en direction des rambardes et s’y accrochent, telles les serres d’un aigle sur sa proie. Grâce aux plans du bâtiment qu’il a pu compulser, le Capi­taine Carmichaël sait parfaitement par où ses hommes doivent escalader le bâtiment pour être les moins décela­bles.

A peine arrivés sur le pont par cette nuit d’encre, les premiers hommes sortent de leur sac étanche le matériel qu’ils ont apporté et s’équipent en une fraction de seconde.

Le capitaine cherche dans sa lunette OB 44 intensificatrice de brillance la présence éventuelle de terroristes sur le pont.

Au bout de quelques minutes d’obser­vation, il en décèle deux qui discutent une centaine de mètres plus en avant. Tous les hommes sont prêts et portent, tous, des lunettes intensificatrices de brillance OB 50 et sont armés de PM HK MD 5 à silencieux et spot laser.


La nouvelle caserne du GIGN telle que son fondateur, Christian Prouteau, l’avait dessinée.

Ces armes ont pour particularité, telles qu’elles sont équipées pour cette mis­sion, de pouvoir tirer en coup par coup ou en rafales sans faire de bruit, et de projeter un spot laser indétectable à l’œil nu mais grandement visible par les hommes en noir grâce aux lunettes qu’ils portent.

Pendant qu’un groupe s’approche des terroristes, un autre s’assure qu’il n’y a pas d’autres « indésirables » sur le pont. La reconnaissance étant positive, le message radio est transmis et les hommes def équipe 1 neutralisent « nos deux terroristes » sans un bruit.

A ce moment précis, le feu vert est donné aux chuteurs opérationnels. A plus de 3000 mètres d’altitude, ces der­niers se jettent dans le vide de la nuit noire où seul, telle une étoile, « l’Achille Lauro » brille de ses mille lampes per­mettant ainsi aux hommes venus du ciel de se guider.

C’est le 7 juillet 1985 que le Colonel Friedrich, commandant du GSIGN, et Se Capitaine Legorjus, Patron du GIGN, ont pris leur commandement.

Avant que nos premiers chuteurs ne se posent sur le pont du paquebot, les  plongeurs ont commençé leurs investigations et ce sont maintenant six preneurs d’otages qui sont neutralisés sans bruit.

En cette nuit d’octobre, l’entraînement, le professionnalisme mais aussi la chance, sont de la partie et aucun des chuteurs ne manquent sa cible, personne n’est à l’eau et c’est un souci de moins pour Philippe Legorjus.

Il va pouvoir, après être entré en communication avec son second, prendre le commandement de l’assaut. Grâce aux indications du personnel trouvé çà et là, les six derniers terroristes, qui commencent à s’inquiéter car ils n’ont plus de nouvelles de leurs « amis » depuis plus de 10 minutes, sont vite repérés. Trois groupes de deux hommes sont localisés, l’un aux transmissions, l’autre dans la salle des machines, le dernier au poste de commandement.
Les cinquante hommes du GIGN se séparent en trois groupes et foncent chacun vers leur destinée.

Pour que l’intervention réussisse, il faut absolument que les trois assauts soient déclenchés à la même fraction de seconde car le personnel est formel : les terroristes possèdent des explosifs et ne se déplacent jamais dans le bâtiment sans otage.

Les trois équipes en place, Philippe Legorjus donne le feu vert. Les grenades « flash » et « offensives sans éclat » retentissent telles mille cloches dans le bâtiment immobile.
Elles sonnent la fin d’un cauchemar pour 500 passagers innocents, la fin de la plus grande prise d’otages de tous les temps à laquelle les démocraties du monde libre ont été confrontées.
Une fois de plus, le GIGN a rempli sa mission.

Bien sûr, chers lecteurs ceci n’est que de la fiction et vous connaissez tous la véritable fin de la prise d’otages de « l’Achille Lauro ». Mais au début de cet évènement, rappelez-vous, personne ne savait s’il y aurait intervention ou pas.

Les moyens aériens permettent au GIGN de se poser sur les carlingues d’avions sans être repéré.
Grâce à une méthode qui a fait ses preuves, les hommes du GIGN investissent un avion en quelques secondes et par de nombreux accès.
Une seule chose est sûre, le GIGN a les moyens de lutter contre ce type d’agression. Il est l’une des rares unités anti-terroristes, à travers le monde, à pouvoir combiner, non pas une opération militaire de type commando, mais une intervention simultanée par mer et air et ce, avec des hommes vraiment entraînés et habitués à la lutte anti-terroriste. Des hommes qui, en entrant dans une pièce, feront un tir sélectif pour épargner les otages.

Des hommes entraînés à la guerre en temps de paix qui sauront choisir le meilleur moyen pour neutraliser les terroristes sans risque pour les otages. Bref, de véritables spécialistes.

« Pour abattre quelqu’un, il n’est pas nécessaire de lui tirer 15 balles dans le ventre. »

Au GIGN, l’entraînement est très réaliste, comme vous pouvez le constater. Pour le tir, les hommes sont équipés de casque et gilet pare-balles, de masque à gaz, etc…

Ironie du sort ou coïncidence diabolique, c’est en ce début du mois d’octobre, très exactement le 2 octobre, que la Direction de la Gendarmerie, via le S.I.R.P.A., a décidé pour la première fois depuis plus de 4 ans d’ouvrir les portes du GIGN aux journalistes accrédités.

Au total, c’est une quarantaine de journalistes qui, une journée durant, ont pu voir, jauger et apprécier les possibilités et les moyens fantastiques dont les hommes en noir disposent. Telle la vitrine d’un grand magasin, le GIGN nous a montré une partie de ses méthodes d’intervention, de ses moyens d’investigation et de ses possibilités de neutralisation.

Il est bien évident que seule la face visible de l’iceberg nous a été dévoilée, mais quelle face !

A 10 h 30, les journalistes sont réunis dans le stand de tir souterrain de cette caserne ultra moderne dont les plans ont été dessinés par Christian Prouteau. Le père de l’unité voulait une caserne moderne, pratique et fonctionnelle à l’image de son Groupe.

C’est donc dans ce stand que les émotions commencent. Positionnés à une quinzaine de mètres l’un de l’autre, le Capitaine Legorjus, patron du Groupe, et le Colonel Friedrich, Commandant le GSIGN qui regroupe le GIGN, l’escadron .parachutiste et le GSPR, se font face.
A un moment uniquement choisi par lui, le Capitaine Legorjus dégaine son Manurhin MR 73 Gendarmerie à canon de 5” 1/4, chambré en 357 Magnum, et tire sur son Colonel.
La détonation est accompagnée par l’explosion du plateau de bail trap que le Colonel porte au centre de sa poitrine.
Protégé par un gilet pare-balles, le Colonel a tout de même « encaissé » le choc engendré par la puissante ogive de 357 Magnum. Loin d’être un numéro de cirque et de précision pure, le tir de plateau est une tradition au GIGN, tous les hommes y sont passés. Cet exercice n’est pas gratuit, c’est le respect mutuel des hommes et la confiance absolue qu’ils ont les uns envers les autres. Instaurée par son fondateur, cette épreuve fait aujourd’hui encore partie des traditions auxquelles Philippe Legorjus est attaché. Comme il me l’a expliqué lors de l’interview qu’il m’accorda en privé :« Au GIGN, même si les patrons changent, les traditions doivent rester intactes.

Grâce à une méthode unique au monde, les maîtres-chiens du GIGN emmènent leurs compagnons en hélicoptère et descendent avec eux en rappel.

L’esprit du « Grand » (NDLR: Surnom amical donné à Christian Prouteau) et le chemin qu’il a tracé pour le Groupe ne doivent pas être modifiés.
Bien sûr, comme mes prédécesseurs, j’ai mon caractère et mes idées, mais ce qui compte c’est que l’esprit du GIGN et sa déontologie ne changent pas d’un pouce.

Les missions changent, les moyens évoluent ainsi que la technique mais l’approche de l’intervention, la philosophie, le respect de la vie d’autrui, sont des bases inébranlables au GIGN.
Ce qui fait et fera toujours notre force, c’est qu’au GIGN, quels que soient les problèmes personnels de chacun, tout est gommé, effacé, au moment de l’intervention, seul l’esprit du Groupe transparaît, les états d’âme n’existent plus. »

Après le tir effectué sur le colonel Friedrich, notre visite-démonstration-mara-thon se poursuit.

Les lumières du stand s’éteignent et quelques secondes plus tard, un coup de feu retentit, suivi d’un crépitement pour ainsi dire inaudible. La lumière revenue, le Capitaine Legorjus nous invite à passer en revue les trois cibles placées à 50 mètres des postes de tir.

La première cible qui correspond à la détonation importante est touchée au beau milieu de l’épaule. L’arme utilisée est le fameux fusil FRFI cal. 7,62 équipé d’une lunette intensificatrice de brillance et d’un spot laser.

Quant aux deux autres cibles, elles sont toujours dans la région de l’épaule, criblées d’une trentaine de coups chacune.

Les armes, pour ces tirs, sont les PM HK MD 5 en 9 mm équipés de silencieux et de spot laser. Les deux tireurs, pour voir dans l’obscurité totale, portaient des lunettes OB 44.

Ce qu’il ressort de ces trois tirs, c’est que le GIGN peut intervenir dans un local fermé ou par une nuit noire et tirer sans être vu et sans bruit.

Après le tir au stand, nous nous installons dans les pièces de situation. Mesurant une vingtaine de M2, ces pièces sont équipées de meubles, bureaux, chaises, armoires, etc…

Les journalistes sont installés aux côtés de cibles « terroristes ». Les indications sont de ne pas bouger de notre place, sous aucun prétexte.

A peine a-t-on trouvé une explication plus ou moins plausible à cet impératif, que les pièces, soit éclairées, soit plongées dans le noir absolu, sont envahies par les hommes en noir qui ouvrent le feu sans même nous laisser le temps de souffler.

Le bruit des détonations et les flammes à la bouche des armes, nous font vite comprendre qu’il s’agit bien d’un tir à balles réelles.

Quelques secondes après l’attaque, nous pouvons constater qu’aucun journaliste n’est touché mais surtout que nos tortionnaires sont tous neutralisés. Il y a autant d’impacts dans les cibles que de coups tirés.

Au GIGN, le droit à l’erreur n’existe pas et les balles perdues non plus.

Comme me le précisait le Patron du Groupe: « une autre chose qui n’a pas changé depuis le début du GIGN, c’est la méthode de tir créée par Christian Prouteau. Même si de nouvelles armes légères, peu encombrantes, à grande capacité, sont apparues sur le marché, elles ne remplaceront jamais notre revolver, car le tir que nous effectuons est un tir pour neutraliser. Si nous devons tuer quelqu’un, il n’est pas nécessaire de lui vicier un chargeur de 15 coups dans le ventre. Une balle, une seule, doit suffire.
C’est pour cela que dans la pièce de situation, chaque impact correspondait à un tir précis, voulu et contrôlé.
Les armes tirant en rafales sont nécessaires pour certaines missions qui n’existaient pas en 1973, mais ces armes sont la plupart du temps utilisées en rafales courtes et contrôlées de 2 ou 3 cartouches. Là aussi, seul un entraînement assidu permet un tel résultat. »

Aucune unité anti-terroriste démarrant actuellement ne pourrait rivaliser

Changeant de décor, nous refaisons surface pour assister à un exercice combiné mettant en œuvre plusieurs équipes complémentaires.

Dans le scénario présenté, des forcenés se sont retranchés à la fois dans un immeuble et dans une maison située au sommet d’un pic rocheux.

Pour l’aspect « montagnard » de la chose, deux hommes du Groupe vont devoir escalader l’une des faces de la tour d’entraînement, qui représente fidèlement un pic d’une quarantaine de mètres de haut avec tous les pièges et passages dangereux que cela présente. Signalons tout de même qu’aucune corde de sécurité ne les maintient à la tour et qu’une erreur peut leur être fatale.

Une fois cette paroi de la tour escaladée, nous retrouvons le scénario initial de l’immeuble d’habitation. A la fenêtre du 3e étage, deux petits ballons matérialisent deux des preneurs d’otages. Une équipe de tireurs d’élite positionnée sur les toits d’une bâtisse située à200 mètres a pour mission, au moment de l’assaut, de les neutraliser.
Une autre équipe déposée préalablement par hélicoptère sur le toit doit, quant à elle, après une descente en rappel, investir l’appartement dès.que les tireurs auront ouvert le feu.

Au top du Patron du Groupe, les deux ballons éclatent dans une seule détonation. Dans la fraction de seconde qui suit, nos deux hommes « araignée » ont pénétré dans la bâtisse par les fenêtres et ont maîtrisé le troisième terroriste.

Ce type de situation et d’intervention peut, a priori, paraître simpliste, il faut tout de même savoir que le GIGN est déjà intervenu de façon semblable.

Une fois de plus, Philippe Legorjus parle et me confie qu’au GIGN aucun entraînement n’est effectué sans motif sérieux.

« Si nous combinons des pénétrations de ce type à des tirs de neutralisation ou à des explosions de portes palières, c’est que l’expérience du Groupe est là, à travers des centaines d’interventions et une douzaine d’années d’existence. Ce que les anciens ont vécu, ce que Christian Prouteau m’a raconté, me sert
actuellement pour améliorer nos méthodes et notre entraînement. Rien ne peut remplacer l’expérience, du feu, de l’arrestation à mains nues, de l’escalade d’un immeuble ou de la pénétration par les fenêtres alors que les forcenés sont là à guetter nos erreurs.

La force du GIGN c’est aussi son expérience racontée par les anciens et vécue par les plus jeunes. Cette expérience de l’intervention me fait affirmer qu’aujourd’hui, en France, personne ne peut rivaliser avec le GIGN. Il ne s’agit absolument pas de querelles de clochers mais personne, je dis bien personne n’a l’expérience que nous avons. Comme Christian Prouteau, je crois en les hommes pas en la technique.

Sans les hommes, la technique ne vaut rien.

Une unité qui se monterait aujourd’hui, quels que soient ses motivations, son potentiel humain ou son matériel, n’aura jamais notre expérience. Elle aura toujours plus de douze années de retard. » Le GIGN pouvant intervenir dans les trois dimensions : terre, air, mer, la démonstration se poursuit avec les moyens aériens.

« Comme Christian Prouteau, je crois en les hommes pas en la technique »

Différents aspects de l’utilisation de l’hélicoptère, par le GIGN, nous sont présentés.

Travaillant toujours en équipe, nos hommes, qui se protègent mutuelle­ment, vont surprendre le forcené par un endroit où ce dernier s’y attend le moins.

Tout d’abord, comme cela est arrivé à plusieurs reprises lors de mutineries dans les prisons ou d’interventions combinées avec d’autres équipes, 4 hommes du Groupe, équipés de casque et de gilet pare-balles, vont glisser sur des cordes lisses.

Pour ce type d’intervention, l’altitude de l’hélicoptère est souvent basse, le but recherché étant de descendre le plus d’hommes possibles dans un laps de temps très court. Il est même arrivé aux hommes du Groupe de sauter carré­ment de l’hélicoptère d’une hauteur avoisinant les 5 mètres.

Le deuxième scénario nécessite l’utili­sation d’un chien. Pour ce faire, celui-ci est tout simplement attaché à son maî­tre et le « couple », accompagné de deux autres hommes, prend place à bord. Cette fois-ci, compte tenu du poids important du maître et de son chien, notre homme est équipé d’un descendeur.

Cet appareil qui n’existait pas au début du GIGN fait partie des améliorations techniques dont le Groupe a bénéficié. Cet appareil donc permet à un homme, soit avec un chien, soit équipé d’une lourde charge de matériel, de descen­dre d’hélicoptère tout en contrôlant sa vitesse.

Cette première descente « homme-chien » est due à la ténacité des hommes du Groupe. Ils avaient besoin d’amener des chiens par la voie des airs, ils en ont trouvé le moyen.

Une autre application du trio hélicoptère-homme-chien se justifie par certai­nes affaires où le GIGN est intervenu avec brio.

Un homme armé détient, sur le toit d’un immeuble, un otage. Voyant apparaître l’hélicoptère de la Gendarmerie, à bord duquel il compte s’enfuir, il ne pense pas que ce sont deux maîtres-chiens qui se trouvent à bord. A plus de.4 mètres du toit, les deux chiens sautent immédiatement, suivis de leurs maîtres. Pour le preneur d’otage, la surprise est totale, jamais il n’aurait pu imaginer une telle intervention. La surprise associée à la peur des chiens menaçants lui enlè­vent toute réaction.

Il est vrai que face à des hommes, cer­tains forcenés essaient de résister. Mais face à deux chiens donnant l’assaut, la première réaction est de se protéger et, dans ce cas-là, on ne pense plus aux otages.


Les hommes du GIGN s’entraînent aussi à l’escalade qui leur permet, en inter­vention, de se mouvoir très aisément sur les façades et balcons d’immeubles.

Et le Capitaine Legorjus de me préci­ser : « Au GIGN, une autre chose qui n’a pas changé c’est l’approche psychologi­que du forcené et de l’intervention. La connaissance de l’être humain à qui nous avons affaire est très importante. Au Groupe, on intervient toujours en premier avec la tête, jamais avec les bras, parfois avec le cœur.

Nous ne sommes pas des commandos mais plutôt des chirurgiens qui, quand ils ont une tumeur à extraire, n’en arri­vent pas forcément à l’autopsie. >>

Grâce à cette explication, nous compre­nons parfaitement l’application du chien dans certaines interventions, car il est vrai que, s’il le voulait, le GIGN pourrait prendre moins de risques et tirer plus souvent. Mais le respect de la vie d’au­trui a encore son importance.

« On intervient avec la tête, jamais avec les bras, parfois avec le coeur. »

La progression, pour investir une zone dans laquelle des forcenés se sont retranchés, est une opération délicate que le GIGN, grâce à sa grande expérience, maîtrise parfaitement.

La continuité logique de cette démonstration se fait avec une nouvelle intervention des chiens. Là, nous avons affaire à un malfaiteur qui détient des otages dans une banque.

Sous la menace de son arme, il obtient un véhicule et une grosse somme d’argent en échange des otages, mais pour se couvrir, il décide d’en emmener un avec lui.

Pendant ce laps de temps qui le conduit de la banque à la porte de la voiture, le GIGN parlemente avec lui, lui demande de libérer son otage. Le forcené refuse. A ce moment précis, juste quand l’otage commence à être dans la voiture, les chiens, dissimulés au coin de la rue, sont lâchés. Une fraction de seconde plus tard, ils sont sur notre homme l’empêchant littéralement de bouger. Les maîtres-chiens, sur les talons de leurs compagnons, neutralisent l’homme avant qu’il n’ait pu faire usage de son arme.

L’intervention est un succès, l’otage est libre et le forcené n’a pas été abattu. Pour le GIGN, ne pas tirer, c’est très important. Pour l’actuel Patron du Groupe : « la vie d’un forcené a presque autant d’importance que celle d’un otage. Notre rôle n’est pas de juger, notre rôle est de faire cesser une prise d’otage, d’arrêter les terroristes, pas de les abattre. Si nous en venons à cette dernière extrémité, c’est que toutes les autres solutions de prendre ces gens vivants auront échoué. Mais à ce moment précis, lorsque j’aurai décidé qu’il n’y a pas d’autres alternatives pour sauvegarder la vie des otages, nous agirons proprement comme à Djibouti ou à Clairveaux ».
Pour terminer cette démonstration, nous assistons et, chose intéressante, participons à certains exercices : tir, descente en rappel, attaque de chiens, etc…

Puis c’est la présentation d’une petite partie du matériel dont le GIGN dispose. De l’avis unanime, ce fut une journée fantastique. A part moi, aucun des journalistes présents ne connaissait vraiment ou n’avait côtoyé le GIGN. Même pour moi, je dois reconnaître que ce fut très intéressant.

« Fréquentant » et « vivant » le GIGN depuis presque 10 ans, je dois reconnaître, en tant que témoin privilégié, que la France possède une unité remarquable mais, ce qui me fait encore plus plaisir, c’est qu’aujourd’hui une quarantaine de confrères pensent comme moi.
Ma passion pour le GIGN n’est ni excessive, ni démesurée, ni subjective. D’autres que moi sont venus, ont vu et ont été convaincus.
Etre le véritable ami de ces hommes n’est pas un privilège, car n’oublions pas que ce ne sont que des hommes, mais c’est tout de même quelque chose de passionnant.
Depuis la création du GIGN, la France n’a pas cédé au chantage, elle a compris que seule la fermeté comptait en matière de terrorisme.

« La vie d’un forcené à presque autant d’importance que celle d’un otage »

Comme le précisait l’Ambassadeur d’Israël à Paris (voir le Figaro magazine du 12 octobre 1985): «la 3e guerre mondiale a commencé. L’affaire de l’Achille Lauro apporte, hélas, une magnifique illustration aux mises en garde d’Israël. Le terrorisme est un fléau mondial. L’encourager en s’abstenant de le réprimer, c’est se mettre la corde au cou ». Ces « appels » de l’Ambassadeur d’Israël à Paris reflètent tout à fait les propos de Christian Prouteau lors de l’interview qu’il m’accorda (GIGN 10 ans d’action – Editions des Acacias -). « Le terrorisme est un fléau auquel les démocraties du monde libre sont confrontées. Le GIGN a été créé pour répondre à cette menace ».

Les patrons du Groupe se sont succédés : Prouteau, Barril, Masselin et maintenant Legorjus.
Mais une chose est sûre, c’est que depuis le départ de Christian Prouteau aujourd’hui Préfet, son « spectre » est toujours au GIGN.
L’esprit qu’il a créé, la déontologie qui était la sienne, sont toujours présents et je pense que l’actuel Patron, Philippe Legorjus, conservera ces traditions. Qu’il apporte sa touche personnelle est un problème qui ne regarde que le GIGN, pour notre part, ce qui compte c’est que les bases, le respect de la vie humaine et l’importance de l’aspect psychologique des choses soient conservés. Sans âme, le GIGN ne serait pas ce qu’il est.

Pour le père de famille que je suis, une chose est certaine : à l’époque où nous vivons, où les prises d’otages crapuleuses ou terroristes se multiplient, où les détournements d’avions sont courants et où les vies ne valent plus grand chose, savoir que ces hommes existent, qu’ils ont les moyens de combattre les terroristes, malfaiteurs et forcenés de tout poil, est une chose rassurante car, si par malheur, moi ou l’un des miens, devait subir le terrorisme aveugle et lâche, je sais que les hommes du GIGN seraient là, garants des libertés et que, comme ils l’ont déjà fait par le passé, ils interviendraient, risquant leurs vies pour préserver celles d’otages innocents.
Si cela n’est pas une raison suffisante pour justifier l’existence de cette unité, c’est que nous n’aurions rien appris.

Yvon GAGUECHE
L’auteur tient à remercier le Colonel Movillan et le Commandant Meyer du SIRPA qui l’ont autorisé à effectuer ce reportage. Le Colonel Friedrich, le Capitaine Legorjus et tous ses amis du GIGN sans qui le livre GIGN 10 ans d’action et ce modeste article n’auraient pu être effectués.