GIGN: Le FRF1 (Reportage Action Guns 1989, magazine n°81)

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Le fusil de tireur d’élite est l’arme des situations exceptionnelles. Quelles que soient les circonstances, en utilisation militaire ou en utilisation civile (Police – Gendarmerie), ce fusil est réservé aux tireurs hautement qualifiés.

Pour bien comprendre l’utilité d’une telle arme, il est nécessaire de faire un peu d’histoire. C’est au cours de la guerre de Sécession que sont apparus les premiers fusils équipés d’instruments de visée optiques. Les carabines Sharps et les fusils à répéti­tion Henry ont été les premières armes munies d’une lunette de tir. Lors de la grande guerre la plupart des belligé­rants ont muni de lunettes leurs fusils réglementaires. Les Belges avec des Mauser 1889 et certains Mauser turcs modèle 1903 équipés d’une lunette Scheibler ou Winchester. Les britanni­ques avec le Pattern 14 ou encore les allemands avec le Mauser 98 et la cara­bine Steyr-Mannlicher.

Quelques décennies plus tard, le second conflit mondial devait confirmer cette tendance, les anglais avec le Lee Enfield N° 4 Mark I, les allemands avec le K 98 K monté avec une lunette ZF 41, les soviétiques avec le Mosin 91/30, les américains successivement avec les Springfield M 1903 A 4, Garand M1 C et M1 D, enfin les japonais avec les Ari- zaka Type 97. Ces différents fusils ne dérivent des armes de dotation régle­mentaire que sur des points de détail : support de lunette, appui-joue. Notre pays avait suivi cette mode avec le F.S.A. Modèle 17.

Là véritable naissance du fusil moderne de tireur d’élite a eu lieu dans les années 1960. Certains pays se sont à cette époque penchés sur des armes longues de très grande précision, ainsi IUR.S.S. a mis au point le Dragunov, connu surtout sous l’appellation de S.V.D. (Samozariadnyia Vintovka Dra- gunova). Cette arme est depuis 1967 en service au sein des troupes du Pacte de Varsovie, en remplacement du célèbre 1891/30. Ce fusil semi-automatique fonctionne par emprunt des gaz, ali­menté par un boîtier chargeur, il tire de la 7,62 mm Mosin. D’une conception d’ensemble proche des fusils d’Assaut AKM 47, il s’en diffère par son fonction­nement et sa conception interne. Une lunette PSO 1 à grossissement 4 avec un réticule à chevrons permet une visée supérieure à 1 000 mètres.

L’Allemagne avec son Heckler und Koch propose le G 3 SG/1 et le HK 33/SG 1, armes directement déri­vées des fusils d’assaut en 7,62 mm Nato et 5,56. Une lunette à grossisse­ment variable de 1,5 à 6 assure une bonne visée jusqu’à 700 mètres environ. De même le « sniper » Krico, de la firme Kriegeskorte et Cie de Stuttgart est une arme dérivée de la série des 700, qui est proposée dans les calibres 222 Rem – 223 – 243 Win. et 308 Win. Enfin la firme Walther propose une arme d’une conception résolument futuriste, la Wal­ther 2000 déjà détaillée dans un de nos précédents articles. L’Autriche propose le SSG 69 de Daimler Puch, arme à ver­rou qui découle du mécanisme et du principe général de fonctionnement de la carabine de Chasse Steyr-Mannli- cher. Une lunette Helia Super 6 S 2 ren­force sa précision. La Suisse, pays neu­tre entre tous, équipe son armée soit avec le mousqueton à lunette Mie 1931/55 soit avec les SIG. En Angle­terre, les Britanniques sont équipés avec le L 42 A 1, arme découlant de la transformation du Lee Enfield n° 4, ou d’une adaptation de la carabine belge.

Les Etats-Unis ont choisi comme arme de précision le fusil M 21, arme semi-automatique dérivée du M 14 National Match, une lunette Leather- wood renforce encore son efficacité. Les Marines emploient volontiers une adaptation de la carabine Reming- ton 700 dans sa version « Varmint Spé­cial ». La Belgique par l’intermédiaire de la Fabrique Nationale Herstal S.A. peut proposer son fusil F.A.L ou sa carabine FNLC en version précision. Elle peut aussi, à la demande, fabriquer un fusil « spécial sniper » développé à partir d’un canon lourd monté sur un méca­nisme traditionnel Mauser.

La France n’est pas restée en arrière pour équiper ses fantassins de fusils performants. Pendant le premier conflit mondial « l’homme des tranchées » qui était suffisamment bon tireur, et à l’épo­que, le tir était un sport aussi réputé que le football de nos jours, avait entre ses mains le fusil modèle 1886 M 93 équipé avec une lunette A.P.X. modèle 16. Les dernières années de guerre virent apparaître les F.S.A.modèle 17, en calibre 8 mm. Les services techni­ques militaires avaient réussi à faire tirer d’une façon semi-automatique cette cartouche surpuissante qui don­nait déjà des « sensations fortes » lors des tirs répétitifs. Moins de 100 000 armes furent livrées avant la fin des hostilités.

Entre les deux guerres l’Armée a abandonné petit à petit la cartouche de 8 mm pour la remplacer par la 7,5 et ses dérivés. Des recherches techniques naquit le F.S.A. modèle 40 équipé d’une lunette A.P.X. M 686. Ce fusil ne devait être mis en service qu’après 1945 sous la désignation F.S.A. modèle 44.

C’est officiellement en 1949 que ce modèle sous la désignation de M.A.S. 49 équipa réglementairement l’ensemble des unités. Des essais d’ar­mes de précision furent effectués à par­tir des prototypes de fusils automati­ques F.A. MAS type 62 sans résultat concluant.

Après avoir étudié les différentes armes de précision existantes dans le monde, les laboratoires de recherches militaires décidèrent, avant de créer un type particulier de fusil de précision, d’analyser le rôle d’une telle arme sur un champ de bataille. L’arme avait-elle une vocation purement anti-personnel ou anti-matériel ? Les pays du pacte de Varsovie, comme nous l’avons déjà vu dans notre article sur la Walther 2000, prévoient d’infiltrer sur les lieux de combats, des tireurs munis d’armes très sophistiquées, d’une très grande précision pour neutraliser les systèmes électroniques ennemis, à des distances relativement importantes allant de 200 à 800 mètres. Le tir de destruction sur des hélicoptères volant à basses altitudes, ou sur des chars, peut ainsi être envi­sagé. L’Armée française a voulu conser­ver le caractère purement antiperson­nel.

Le rapide tour du monde des princi­pales armées nous a montré que beau­coup de pays utilisaient des armes semi-automatiques pour ce genre « d’exercice ». La France quant à elle, s’est tournée vers la mise au point d’un fusil à répétition, le premier coup devant automatiquement faire mouche. Dans ce but, le mécanisme du MAS 36 fut choisi afin de rendre l’arme la plus sta­ble possible. Dans un fusil semi-auto­matique, le départ d’un coup entraîne inévitablement des vibrations dues à la mise en mouvement des différents sys­tèmes internes de l’arme (culasses, pièce de manœuvre etc…) ces vibrations existent toujours lors du départ du coup suivant. De plus il ne faut pas oublier qu’une arme semi-automatique à emprunt des gaz affaiblit la puissance de la munition en réduisant la vitesse Initiale de la balle.

Les gaz nécessaires au retour de la culasse en arrière dimi­nuent la pression de la cartouche, réduisant ainsi de 10 à 15 m/s la vitesse de la balle. Une cartouche de 7,5 tirée dans un FSA 49/56 donne une vitesse initiale de l’ordre de 830 m/s environ alors que la même munition de caracté­ristiques techniques identiques et de même lotissement tirée dans un M.A.S. 36 donne une vitesse initiale de 840 m/s.

Nous sommes l’un des rares pays du monde à avoir sciemment doté notre armée d’un fusil de tireur d’élite à répé­tition. La plupart des autres nations ayant choisi le fusil semi-automatique ou automatique, laissent aux services de police ou de gendarmerie le soin de s’équiper avec des fusils de précision à répétition. Les exemples sont nombreux dans les pays limitrophes du nôtre.

Les essais de l’actuel FRF1 ont débuté dans le courant du mois de mars 1956. Les tests étaient destinés surtout à limiter les vibrations, à donner à l’arme le maximum de maniabilité tout en lui assurant la plus grande précision possible.

Les vibrations ont été très réduites, par l’emploi d’une culasse améliorée dans le traitement des états de surface du mécanisme, culasse du type du MAS 36, par l’adjonction en bout du canon d’un manchon cache-flammes servant à la fois de stabilisateur et de pièce anti-vibrations et enfin par une fabrication très soignée d’un canon indépendant du fût.

Pour la maniabilité, les ingrédients traditionnels du fusil de compétition ont été utilisés. Mis à part un bipied régla­ble, l’arme est pourvue d’une poignée pistolet assurant une confortable prise en main et d’une crosse à rallonge et repose-joue.

Quant à la précision, elle tient au fait que l’arme a un système de détente très souple et réglable, le poids de départ du coup est d’environ 2 kg. Le fantassin pour « cibler » son objectif a à sa dispo­sition une lunette de visée modèle 1953 au grossissement de 3,8. Bien entendu, il ne faut pas oublier le rôle primordial de la munition qui doit être d’une qua­lité balistique irréprochable, donnant toujours, à quelques millimètres près la même trajectoire. Le fusil à répétition Modèle F 1, conçu et fabriqué par la Manufacture d’Armes de Saint-Etienne, existe en plusieurs versions. Le FR F 1 destiné aux tireurs d’élite peut être équipé soit d’une lunette de tir à gros­sissement variable, généralement 3,8 soit d’une lunette avec intensificateur de lumière D.I.P.T., système qui, pour le tir de nuit remplace l’infrarouge. La seconde version est destinée aux tireurs de compétition et ne dispose pas du bipied. Les appareils de visée sont différents, le guidon est à trou, protégé par un tunnel antireflets, de plus un œil­leton type compétition offre toutes les possibilités de réglage aussi bien en site qu’en dérive. Enfin, il existe une version « OTAN » du FR F1, en calibre 7,62 Nato, qui prend l’appellation de FR F 2. Des essais sont actuellement menés pour équiper certaines de ces armes avec des crosses spécialement étudiées à la morphologie du tireur, réalisées en fibre de verre.

Description de l’arme

Cette arme pèse, chargeur plein, 5,5 kg pour une longueur totale de 1,13 mètre, la longueur du canon 60 centi­mètres représente plus de la moitié de la longueur de l’arme. Extérieurement le FRF 1 est une arme réussie à la fois fine et agressive, fiable et racée. Le fusil se présente sous la forme d’une arme à répétition dotée d’un système à verrou classique qui équipait préalablement les fusils réglementaires M.A.S 36 et M.A.S. 36/51. Le traitement extérieur des aciers qui rentrent dans la composi­tion de la boîte de culasse a été nette­ment plus soigné que sur les armes modèle 36. Les dimensions de la boîte de culasse du FRF1 sont légèrement surdimensionnées pour recevoir le chargeur de 10 cartouches, qui trouve son logement dans remplacement de l’ancien magasin du 36, un crochet de chargeur est fixé sur la partie gauche de la culasse, dans lequel vient prendre position le verrou du chargeur.

Le canon, pièce essentielle de l’arme est de forme tronconique, rainuré à droite par quatre rayures au pas de 300. A sa partie avant un filetage est usiné pour recevoir un manchon cache- flamme, qui est destiné à renforcer la stabilité de l’ensemble de l’arme, tout en réduisant les vibrations du départ du coup. Le manchon est réglé d’origine en manufacture pour la munition de 7,5 mm. Bien entendu en version 7,62 mm il en est de même.

Le bois est de bonne qualité, il sem­ble relativement résistant aux chocs. La crosse bénéficie d’un dispositif très sophistiqué de réglage pour une arme en dotation réglementaire. Quatre lon­gueurs de crosse sont disponibles sui­vant le système de rallonges. De 345 mm sans rallonge, nous passons à 365 mm avec la rallonge courte pour arriver à une longueur totale de 385 mm avec la rallonge longue. En combinant les deux rallonges nous obtenons une crosse d’une longueur de 405 mm. Le changement de ces différentes pièces amovibles se fait en dévissant et en sor­tant la vis qui se trouve incrustée dans la plaque de couche.

Celle-ci est spécialement étudiée pour assurer le maintien de l’arme contre l’épaule du tireur dans la position couchée, même pendant les opérations de rechargement. La partie supérieure de la crosse est munie d’un repose- joue. La poignée pistolet est large, légè­rement inclinée sur l’arrière et convient à toutes les mains. A sa partie supé­rieure, elle est travaillée pour recevoir le pouce du tireur. Striée à sa partie anté­rieure sur toute sa hauteur, elle ne glisse pas lors de sa prise en main.

Le fût monobloc est encastré sur le tonnerre tout en étant retenu contre le boîtier du mécanisme par une vis trai­tée, qui est en prise directe sur une noix cylindrique formant l’axe du bipied. Il est à déplorer sur ce modèle l’absence d’un rail dans lequel peut se fixer et se déplacer le bipied. Ce système est cou­ramment employé sur certains « sni- per » étrangers.

Sur notre arme, une bretelle du type fusil modèle 36 est fixée d’une façon tout à fait traditionnelle à l’aide de deux anneaux l’un à l’avant du fût, l’autre relativement en arrière de l’arme à moi­tié de crosse. Cette bretelle peut, dans certains cas, venir renforcer la stabilité de l’arme et les points d’appui du tireur lors de tirs en position instable.

Pour renforcer cette stabilité le bipied doit supporter toutes les difficultés que rencontrent les fantassins au combat. Les branches sont maintenues en position par un système de pointeau à ressort, d’une manipulation souvent délicate.

Les dispositifs de visée

La version « combat » est équipée d’une ligne de mire de « nécessité » comprenant un guidon et une hausse à cran de mire, rabattables, équipés de pastilles radioluminescentes, pour le tir de nuit à distances rapprochées. La lunette, modèle 1953 bis (APX L806) qui avait été prévue à l’origine pour doter les F.S.A. 49/56 a été quelque peu modifiée pour obtenir une meilleure sensibilité des appareils de réglage. La lunette est réglée directement en usine. L’interposition de deux bagues ouvertes et exécutées en matière plastique, dis­posées sur les colliers de fixation de la lunette,donne la possibilité en atelier de faire une mise à « zéro » qui n’entame pratiquement pas les possibilités de réglage de la lunette. Celle-ci est livrée avec un dispositif pare-soleil et l’ocu­laire est doté d’un manchon de protec­tion en caoutchouc.

Mise en œuvre

Les manipulations traditionnelles d’une arme à verrou se retrouvent sur ce modèle, mais avant de tirer, le fan­tassin doit régler la crosse en fonction de sa morphologie, et vérifier si aucun élément extérieur ne vient troubler la bonne cinématique de l’arme.

La cartouche

Pour réaliser de bons tirs à longues distances ou dans des conditions diffici­les d’utilisation, il faut avoir une bonne arme, un tireur expérimenté, et comme dernier paramètre une excellente car­touche. Il est nécessaire que le couple : « arme-munition » soit en complète har­monie. Utilisant un calibre dit « lourd » par rapport au calibre « léger » 5.56, notre arme devait à la fois pouvoir tirer des munitions de 7,5 modèle 29 C compatible avec le pas des rayures du canon et avec le réglage de la lunette modèle 53. Il ne fut pas très difficile aux services de contrôle et de réception des munitions militaires de petits calibres, de trouver des cartouches d’une préci­sion acceptable dans les millions de cartouches que ces services réception­nent chaque année, dans les arsenaux militaires. A l’époque de la mise en fabrication de ce fusil, la munition régle­mentaire française était la 7,5, qui était utilisée indifféremment dans le MAS 36 – MAS 36/51 – MAS 49 et MAS 49/56.

Mais, et tous les munitionnaires le savent bien, entre une cartouche répu­tée « bonne de guerre » et les cartou­ches d’un lot « référence », il existe sou­vent une marge importante, qui se traduit inéluctablement en cible par des écarts plus ou moins importants, qui souvent, fâcheux en tir d’efficacité, deviennent carrément inacceptables en tir de « haute précision », quelques cen­timètres à 100 ou 300 mètres en cible peuvent provoquer des catastrophes.

Ces problèmes que les tireurs de compétition connaissent bien à leur échelle se posaient aux services de l’in­tendance. Après plusieurs mois de tâtonnements et de multiples essais et test, sur les poids de balle, les formes, les quantités de poudre, les différentes sortes de poudre etc… ces services réussirent à sélectionner une cartouche qui, tirée dans cette arme, donnait des résultats réguliers, précis tout en gar­dant une trajectoire stable à grandes distances. On peut se poser la question de savoir pourquoi l’Armée Française dans les années 1960 a opté pour ce calibre de 7,5 mm alors que de plus en plus la tendance des armes semi-auto­matiques ou automatiques était « d’ava­ler » de la 7,62 NATO ou de la 7,62 x 39 AKM ? Comme élément de réponse, on peut seulement dire que cette cartou­che, qui sortait de nos ateliers à plu­sieurs centaines de milliers/jour, pou­vait être rapidement améliorée, alors que la mise en fabrication d’une chaîne de 7,62 posait des problèmes matériels.

De plus la France, comme d’autres pays (URSS) préférait « tenir que cou­rir ». Les russes n’avaient-ils pas conservé dans la DRAGUNOV la vieille munition de MOSIN en 7,62 x 54 R qui remontait presque à la fin du siècle der­nier. Quant à la cartouche de 5,56 à balle de 3,5 grammes ou plus, il n’était pas question de la mettre en dotation. Cette cartouche aux performances balistiques certes très acceptables à courtes distances, en tir d’efficacité ou de neutralisation, devenait quelque peu problématique à grandes distances, perdant rapidement de la vitesse et chutant aussi rapidement. De nos jours la plupart des armes de cette catégorie sont chambrées dans un calibre « lourd », il n’en n’est pour exemple que la futuriste Walther 2000, qui propose à la clientèle 3 calibres, dont le plus puis­sant est le 300 Winchester Magnum, un monstre qui conserve au-dessus de 300 mètres des qualités balistiques intéres­santes. Dans le cas du FRF 2 en calibre 7,62 Nato, les tireurs se servent souvent de munitions de marques belges ou allemandes.

Les essais en stand

Nous avons transporté notre arme, sans protection particulière dans un stand de tir découvert de la région pari­sienne, stand offrant les possibilités de tir à 100 – 300 – 600 mètres et plus. La lunette était montée sur l’arme. La mise en position de l’arme n’a posé aucun problème, le bipied s’est déplié facile­ment, il faut tout de même faire atten­tion aux manchons de réglage en hau­teur, sinon « bonjour les dégâts ». Il faut absolument respecter le sens de ser­rage indiqué à la base de la pièce. Le réglage de la crosse à la bonne lon­gueur d’épaule correspondant à la mor­phologie de notre tireur, s’est fait très rapidement.

L’extraction du chargeur, le remplis­sage de celui-ci et sa réintroduction dans l’arme ont été au-dessus de toutes critiques. Le levier d’armement correc­tement dimensionné, tombe parfaite­ment dans le creux de la main, le manie­ment de la culasse est facile et sans retenue. Par temps clair avec un soleil venant de face nous avons commencé les essais. Notre lunette était munie de son pare-soleil, relativement efficace. Le traitement des lentilles pour limiter les reflets s’avère concluant, malgré la forte luminosité, la cible se détache par­faitement dans la lunette. Pour modifier la visée de notre lunette, par construc­tion nous pouvons jouer sur une ampli­tude totale de + ou – 2,4 millièmes en direction et de + ou – 3,6 millièmes en hauteur.

Préalablement au tir proprement dit nous avons procédé au flambage di canon, en tirant successivement 5 car­touches de 7,5, respectant une cadence de tir d’un coup toutes les trente secon­des. Lors du tir peu de fumée se déga­geait de la bouche du canon. Lorsque l’on est habitué à tirer avec une arme de « guerre », la surprise vient du départ du coup, la queue de détente est directe, souple et légère. C’est surpre­nant alors que nous sommes habitués avec les armes de guerre à des départs qui avoisinent les 4,8 kg et plus. Le recul de l’arme est sec et modéré, l’arme ne relève que faiblement. Après ces pre­mières considérations, il est temps de tirer en conditions réelles d’utilisation avec le renfort de la lunette.

Pour ces tirs nous avons utilisé les munitions militaires de lots récents, dont les principales caractéristiques sont données dans les renseignements suivants : Vitesse initiale 840 mètres par seconde – Energie à la bouche, 3 210 joules en moyenne. – flèche de la trajec­toire de la balle à 600 mètres : 1,30 mètre. Pour ces tirs nous avons utilisé les cibles réglementaires françaises.

Tableau des tirs à grandes distances

Nombre de Cartouches 100 M H+L en mm 300 m H+L en mm 600 M H+L en mm
10 92 151 586
10 86,4 168 497
10 87 146 501

 

 

 

 

 

 

 

Ces tirs n’ont pas été réalisés en pla­çant les cibles dans leur prolongement l’une derrière l’autre, mais au contraire à chaque fois nous avons recommencé l’expérience. Un léger réglage de la lunette a été nécessaire au moment du changement de distance. Lors des tirs nous avons l’heureuse surprise de cons­tater que l’arme retombe parfaitement en ligne après le départ du coup et per­met une reprise très rapide de la visée pour le départ d’une nouvelle balle. L’extraction des étuis est correcte, il faut faire attention de ne pas se trouver à côté au moment de l’éjection, la cha­leur de l’étui est tout à fait désagréable sur la peau et vous laisse pendant quelques instants un souvenir cuisant.

Ces tirs ont été répétés avec un autre tireur. Pour obtenir de bons groupe­ments et une parfaite visée, il a été nécessaire de modifier le réglage de la lunette pour l’adapter à la vue du second tireur. Ce changement de tireur, montre à l’évidence même, les limites d’une arme de très haute précision. Chaque manipulateur a une vue diffé­rente et doit adapter celle-ci en fonction des circonstances. Il est donc absolu­ment indispensable pour obtenir le maximum d’efficacité d’une telle arme de respecter le principe, d’une arme par tireur comme cela est fait au G.I.G.N.. Si cette théorie est peut-être un peu irréa­liste en temps de conflit, elle doit être automatiquement mise en application lors d’une utilisation ponctuelle par les forces de l’ordre. Le G.I.G.N. qui a recours à ce type de matériel lors d’une prise d’otage doit connaître parfaite­ment les réactions de ses armes et être sûr du réglage de la visée de leur lunette.

Lors de ce type d’opération un milli­mètre d’erreur de visée peut être catas­trophique au moment de l’impact sur l’objectif. Il est vivement recommandé de tenir une fiche de tir de l’arme et de savoir exactement les données balisti­ques et les résultats en cible que peu­vent donner telles ou telles munitions de type et de marque différents. La vie « d’otages » peut en dépendre.

A la mise en place de ces armes dans les unités et dans les équipes « feu » certains doutaient de leur efficacité.

L’expérience sur les différents terrains d’opérations où l’Armée Française et le G.I.G.N. ont été employés, a montré la valeur du FRF 1 face à ses concurrents. Une arme, même à répétition, mise dans les mains de personnels compé­tents est un redoutable outil qui dans bien des cas s’est montré de loin supé­rieur à des armes, qui techniquement bénéficiaient des dernières innovations techniques. Cette arme est fiable, et ne craint pas de dures conditions dans les­quelles elle est utilisée, à l’inverse de certains fusils « sniper » étrangers qui « digèrent » mal la boue, l’eau et la neige. Quelques pays ont actuellement des programmes d’essais de fusils de ce type à maniement répétitif. Le retour dans quelques années à des armes de tireurs d’élite à culasse verrouillée prou­verait que les services techniques mili­taires avaient fait « le bon choix ».

En utilisation « civile », il est de plus en plus fait appel à ce type d’arme à verrou, pour obtenir une précision pres­que parfaite à des distances d’emploi urbaines.

C’est une juste revanche que le FRF 1 prend aujourd’hui en servant de modèle à certains programmes de recherches étrangers.

 
Lors de la prise d’otage à Djibouti, les hommes du G.I.G.N. neutralisent de façon radicale les terroristes à l’aide de FRF 1. Pour la petite histoire, rappelons que les 7 preneurs d’otage étaient mélangés à des enfants dans un car situé à 200 mètres des tireurs d’élite.

Le FRFI du G.I.G.N.

Dès la création du G.I.G.N., son patron, le jeune lieutenant Prouteau, fit des tests comparatifs avec tous les fusils de sniper disponibles sur le marché.

Après de nombreux essais compara­tifs : précision, fiabilité, encombrement, poids, coût, il décida de doter son unité du FRFI auquel il fit apporter certaines améliorations.

Cette arme était et est toujours consi­dérée par le G.I.G.N. comme le meilleur fusil d’intervention.

L’affaire de Djibouti, où 7 preneurs d’otages furent abattus en même temps par 7 tireurs et ce, à une distance de 200 mètres dans le désert avec une cha­leur dépassant les 35°, prouve si besoin est que le lieutenant Prouteau ne s’était pas trompé dans son choix.

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Depuis plus de 12 ans, le G.I.G.N. utilise cette arme sans jamais avoir eu à s’en plaindre. Aujourd’hui, le Capitaine Phi­lippe Legorjus, patron du Groupe, tient les mêmes théories et donne les mêmes exemples que Christian Prouteau il y a quelques années quant à la fiabilité et à la précision de cette arme.

Les différentes interventions récentes et peu connues du public lui donnent rai­son.

De plus, au G.I.G.N., le tir de neutralisa­tion n’est pas un tir pour tuer. Dans la plupart des interventions et le passé le prouve, le G.I.G.N. s’efforce de préser­ver la vie des forcenés et terroristes. C’est pour cela que la partie du corps visée est l’épaule et non pas la tête ou le cœur. Mais ce qu’il faut savoir c’est qu’à partir du moment où le G.I.G.N. est obligé d’intervenir par les armes et sur­tout avec les tireurs d’élite, ces derniers doivent avant tout neutraliser les indivi­dus dangereux. Si ceux-ci sont blessés, c’est bien, si malheureusement la bles­sure est mortelle, ce n’est jamais volon­taire. A 200 mètres, le buste d’un homme mesure quelques centimètres. Réussir, avec différents paramètres : vent, soleil, chaleur, froid, un tir parfait est souvent difficile mais n’oublions pas que les personnes à neutraliser se sont mises dans une telle situation (assassi­nat, prise d’otages, etc…) que, dans un autre contexte, elles auraient été tout simplement abattues sans autre forme de procès. Seul actuellement le G.I.G.N. s’efforce de neutraliser ces gens et lors­que la malchance intervient, ce n’est pas rare, c’est exceptionnel.

Article écrit par Pierre BEUCHET, extrait du Magazine ACTION GUNS N°81 de 1989